English version available Je suis trans F to M, enfin plutôt F to X : depuis ma transition, je me considère simplement comme agenré. La transidentité est toujours considérée comme une maladie en France. Pour avoir accès aux hormones et à la chirurgie, le parcours officiel français oblige un-e trans à un suivi psychiatrique de deux ans. Ca devrait être un choix de la part de la personne, si elle en ressent le besoin. Pas une obligation ! De ce fait, les parcours psy sont souvent faussés à l’insu des médecins : sur les forums trans, dans les réseaux trans, on s’échange des combines sur les phrases à dire, l’attitude à adopter, pour s’assurer d’obtenir le plus rapidement possible les papiers qui nous donnent accès au traitement hormonal. Moi aussi c’est ce que j’ai fait, pour coller à la définition “M” du psy. Pour eux, c’est M ou F. Il n’y a pas de milieu, d’entre-deux, d’intermédiaires. Les médecins, ils considèrent que tu es un “vrai” trans (ou trans primaire) si tu déclares que tu sais que tu es trans depuis ta naissance ! C’est ridicule ! Pour moi comme pour d’autres, ça a été une évolution au cours de ma vie (trans secondaire). Ces médecins sont tous cis. Et tu te retrouves là, dans un bureau, avec une personne cis qui se permet de te dire si tu es un “vrai” trans ou pas… *** Il y a des équipes médicales officielles. On ne peut pas choisir l’équipe de médecins que l’on veut : seule l’équipe officielle est complètement prise en charge par la Sécu. Par ailleurs, si tu suis leur parcours mais qu’à la fin tu refuses une opération des parties génitales, les médecins considèrent que tu n’es, là encore, pas vraiment trans. Si ça se trouve, tu n’as juste pas envie de subir une opération lourde, que tu vivrais comme une mutilation. Mais ils ne comprennent pas que le sexe et le genre c’est différent, et que tu peux vouloir changer de genre sans avoir de problème particulier avec ce que tu as entre les jambes. Tu peux le ressentir comme un simple détail de ton anatomie. Moi, je ne voulais pas passer par l’équipe médicale officielle. Celle de ma ville est très fermée. J’ai voulu choisir mon psy, trouver quelqu’un de plus ouvert. Mais voilà, je voulais aussi faire une mammectomie — par contre, pas de phalloplastie : l’opération F to M n’est vraiment pas au point et je veux continuer à avoir des sensations quand je baise. Et puis je suis transgenre, pas transsexuel. Bref, comme j’avais choisi mon psy, la sécu ne prenait pas en charge mon opération. J’ai donc fait un appel de fond sur internet. Je ne voulais pas le faire au départ. Mais des amis m’y ont encouragé. Et ça a marché : en une semaine, une centaine de personnes, dont une vingtaine de parfaits inconnus, m’ont donné l’argent nécessaire et j’ai pu me faire opérer, après des années passées à économiser en vain. C’est plusieurs milliers d’euros ! Ca faisait des années que mes amis et ma famille m’avaient fait une “Boobsbox” (la boîte des nichons). A chaque Noël et à chacun de mes anniversaires, ils mettaient tous un petit quelque chose dedans, pour m’aider. Une amie artiste me l’avait même peinte, c’était joli. Mais l’appel de fond a tout changé. A la fin, j’ai même un pote qui m’a dit : “Tiens, je rajoute 5 euros, pour te payer une bière et fêter ça !”. C’était mignon. Le réseau c’est important. Je sais que ça n’est pas conseillé, mais c'est moi qui décide de la prise de ma testostérone. De temps en temps, j’arrête, puis j’en reprends, selon comment je me sens dans mon corps. Mais j’ai quand même demandé à mon endocrino de me prescrire la dose maximale (1 dose toutes les deux semaines). Ca me permet d’en mettre de côté. On est plusieurs à faire ça dans les réseaux trans. Les doses qu'on n'utilise pas pour nous, on en fait don aux trans qui ne peuvent pas se permettre financièrement le parcours médical ou qui refusent de se prêter à ce jeu. C'est difficile. Tout le monde ne se sent pas de suivre ce parcours médical. *** On m’appelle encore “Madame”, parfois, dans la rue. Avant, ça me mettait en colère. Maintenant, ça me fait doucement rigoler. Avant, c’était pas pareil. Je me bandais la poitrine, je me packais. Maintenant je m’en fous. Avant ma transition, j’accentuais au maximum mon côté M. Maintenant, je suis à l’aise avec une identité non binaire. J’ai la chance d’avoir des amis qui m’aiment et m’accompagnent. C’est étonnant. On ne s’attend pas à ça. Ma famille par contre c’est plus compliqué. Ils me soutiennent, mais ils disent qu’ils ne comprennent pas. Parfois, ils utilisent encore le pronom “elle” ou mon ancien prénom pour me parler. J’ai pas mal d’amis trans qui me disent qu’ils ne le supporteraient pas, que c’est un manque de respect et qu’ils couperaient les ponts. Moi je ne l’ai pas fait. Ils me soutiennent, c’est déjà pas mal. Mais ne pas dire il et Armand, ça reste pas cool de leur part. Mais bon. Ils ne sont pas informés et ne s’informent pas. Ma mère me dit qu’elle n’aime pas mon prénom. Quant à mon père, la seule et unique chose qu’il m’ait jamais dite à ce sujet, c’est : En tous cas, j’espère que tu ne feras pas changer ce que tu as entre les jambes. *** La vidéo ci-dessus est l’oeuvre de Jamie Raines, un Youtuber trans de 21 ans, qui montre sa transition F to M en un court film constitué de 1400 photos. *** Demain, je me considèrerai toujours en transition, bien qu’aujourd’hui j’aie atteint tous les buts que je m’étais fixé. Je ne sais pas encore comment je vais évoluer et quelles seront mes envies. En tous cas, mon identité ça n'est ni F ni M, mais T comme Trans. Pour moi c’est important. C’est une revendication. Ca doit être une fierté. Un moyen de militer, pour moi et pour les autres. D’autres basculent dans un genre / un sexe défini (F ou M) après leur transition. Moi je n’ai pas envie de choisir. *** Une expérience positive ou négative que j'ai vécue récemment ? Hmm... Il y a cette collègue de travail. A la pause déjeuner l’autre jour, on parlait de tout et de rien. Puis, de fil en aiguille, comme un cheveu sur la soupe, elle en est venu à dire : Moi, si mon fils était homo, j’en pleurerais, mais je l’accepterais ; par contre s’il était trans alors là je comprendrais pas, je l’accepterais pas. J’ai discuté avec elle sans entrer dans les détails, sans révéler ma transidentité. J’ai essayé de lui dire qu’on ne lui demande pas de comprendre, mais d’accepter une réalité. A la fin, elle a fini par dire que oui, au fond j’avais raison : au pire, ça n’est pas sa vie à elle, ça ne la regarde pas. Et elle a conclu, hésitante, en disant : Tu sais, si t’as envie de devenir une femme, je comprendrais ! J’ai explosé de rire ! Si elle savait… Elle a passé la pause à dire des horreurs sur les trans… devant un trans ! Tu sais, cette collègue, elle n’a que 23 ans... *** Un grand merci à Armand qui a accepté de me donner de son temps pour se prêter à cet entretien. La transidentité vous gêne ? Vous interroge ? Vous fait peur ? Informez-vous. Et souvenez-vous : #lescombatsdesautres This was Post #5 of the Equal Rights Week on Carrie Speaking.
1 Comment
'Van
18/9/2017 17:18:18
je tiens juste à préciser que le parcours est pris en charge par la sécu même si on ne passe pas par la sofect (qui n'est pas officielle fort heureusement)... donc, merci de ne pas dire de bêtises... je suis, comme beaucoup de trans, en parcours hors sofect et mon parcours a toujours été pris en charge par la sécu...
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