Montréal, premier matin. Les yeux s’ouvrent sur l’automne, virevoltant, rougeoyant, lumineux. Un regard par la fenêtre : un écureuil file, en acrobate, sur les fils électriques tendus entre les maisons. J’enfile un pull et je fais quelques pas dans les feuilles mortes jusqu’à ce lieu, cette ancre où l’on se rassemble autour d’une tasse. Le bois, le métal, les mains à plat, la lumière des fenêtres et la lumière des lampes. En quittant Lyon, j’avais emporté un seul petit livre pour ce premier matin ; une indulgence ; une complaisance envers moi-même ; presque une manie, agaçante, récursive : What a lark! What a plunge! La barista pose une tasse de café devant moi. Généreux, ample, parfumé. Si je ferme les yeux, je peux encore me sentir face à cette fenêtre. Celle de Replika, Rachel Est. Ce café fait l’angle d’une rue. Il est une intersection. Ma main fermement ancrée autour de mon mug d’Americano, je me retourne. Les assiettes de bägels tous chauds passent du comptoir à la salle, dans le brouhaha discret du café. Le chop-chop du couteau qui s’affaire, le shh-shh de la machine à café, le frr-frr du manteau que l’on pose sur un dossier, le tap-tap-tap des doigts sur le clavier d’un laptop (son propriétaire porte un bonnet ; il sourit), le ah-ah du groupe qui partage un premier latte avant que le matin ne se transforme en jour. Les matins ("comme si elle se tenait au bord d’une piscine, elle retarde un instant le plongeon, l’étau subit du froid, le choc de l’immersion") sont des moments à part, essentiels. Ils contiennent des instants, parfois brefs, où l’on est éveillé, mais où rien n’a encore commencé. Les heures du jour n’ont pas encore sonné, alors tout est encore possible. On pense à tout ces possibles en regardant par la fenêtre, à travers la vapeur d’un tasse de café chaud. Une cycliste passe. Le clong! d’une assiette de bägels chauds sonne devant moi. Et voilà le jour. C.I.D If you liked this post, you might also like:
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